Parier sur le score exact

Les paris sur le score exact sont-ils rentables ?

Modélisation des scores corrects

Le favourite-longshot bias (« biais favori-outsider ») et les paris sur le score correct

Paris sur le score correct : ce qu'il faut savoir

Les paris sur le score correct constituent l’un des marchés de football les plus populaires chez les parieurs occasionnels. Dans cet article, l’expert en paris Joseph Buchdahl analyse les paris sur le score correct au moyen de « vraies » cotes de scores. Les paris sur le score correct sont-ils rentables ? Lisez cet article pour le découvrir.

À chaque fois que je passe devant un bookmaker dans la rue principale de mon quartier, je vois une offre alléchante de pari sur le score correct qui m’incite à entrer dans l’agence. Ces offres sont généralement du type : « Tottenham gagnant 2-0, 100 £ à gagner pour une mise de 10 £ ».

Ces récompenses ont beau avoir l’air intéressantes, ces publicités n’existent pas pour le bénéfice du client. Elles masquent plutôt le grand avantage que les bookmakers savent qu’ils possèdent. Cet article étudie l’amplitude de cet avantage.

Paris sur le score correct

Dans les paris sur les football, l’un des marchés populaires est de prédire le score final d’une partie. À la différence des cotes de match simples, pour lesquelles trois résultats sont possibles (victoire de l’une ou l’autre des équipes, ou match nul), le nombre de scores possibles est bien plus important.

Même les scores les plus fréquents se sont produits moins de 12 % du temps tout au long de l’histoire de la ligue de football anglaise.

Les bookmakers restreignent généralement le nombre de cotes de score correct à un nombre maximal de buts par équipe. Si nous appelons ce nombre n, le nombre maximal de scores possibles cotés par le bookmaker est ensuite obtenu à l’aide de la formule (n+1)2. Par exemple, les parties s’achevant avec 0 à 6 buts pour l’une ou l’autre des équipes peuvent avoir 49 scores différents.

Sans surprise, les cotes de pari sur le score correct sont nettement plus élevées que les cotes de match, car chaque score possible a une chance bien plus faible de se produire, par rapport à un match nul, ou à une victoire de l’une ou l’autre des équipes. Même les scores les plus fréquents (1-1, 1-0, 2-1) se sont produits moins de 12 % du temps dans l’histoire de la ligue de football anglaise.

Les bookmakers traditionnels raffolent des paris très risqués. Tout d’abord, ils représentent de bons appâts pour attirer des clients. Ensuite, ils font de bonnes histoires à raconter en cas de victoire des parieurs, ce qui s’avère pratique pour capter encore davantage de clients. Aussi, en raison du nombre de résultats possibles et du niveau d’incertitude, les bookmakers appliquent une marge plus importante que dans le cas des cotes de matchs.

La marge de Pinnacle pour les scores corrects de la demi-finale de la League Cup 2017/2018 entre Arsenal et Chelsea, par exemple, était de 5,3 %, par rapport aux 2,5 % pour le match nul ou la victoire de l’une ou l’autre des équipes, et cela en considérant un nombre de scores n allant jusqu’à 3. Les autres bookmakers adoptent des marges beaucoup plus grandes, atteignant dans certains cas 60 % lorsque n = 6 ou davantage.

Enfin, et plus important encore, les bookmakers réduisent les prix les plus élevés nettement plus que les prix plus bas, sans que les parieurs ne s’en rendent réellement compte ou ne s’en soucient.

Le favourite-longshot bias

En juin 2016, j’ai publié un article concernant un phénomène appeléfavourite-longshot bias  , ou « biais favori-outsider ». Il s’agit de la tendance qu’ont les parieurs à surévaluer les outsiders (et donc à parier sur eux à l’excès) et à sous-évaluer les favoris (et donc à moins parier sur eux). Comme il est plutôt  des probabilités réelles, en particulier dans le cas d’événements dont la probabilité est très faible ou très élevée, nous sommes prêts à miser trop d’argent sur des résultats peu probables, et pas assez d’argent sur des résultats qui sont, eux, très probables.

Dans le même temps, les bookmakers doivent se prémunir contre la possibilité de gains importants à verser, particulièrement si des erreurs dans les prévisions des résultats à la probabilité plus faible peuvent avoir un impact plus conséquent (comme nous le verrons plus loin dans cet article). C’est pourquoi ils réduisent les prix pour les outsiders nettement plus que pour les favoris quand ils appliquent leur marge.

Modélisation des scores corrects

En avril 2017, Benjamin Cronin de Pinnacle a rédigé un article sur l’utilisation de la loi poisson pour prédire le score correct d’un match de football.

Bien qu’il ne s’agisse pas d’un modèle parfait pour prédire les scores corrects (il considère les buts à domicile ou à l’extérieur comme indépendants, alors qu’ils ne le seront pas dans la réalité), il simule de manière assez raisonnable des probabilités de score en étroite corrélation avec les fréquences des résultats effectifs. Ben a spécifiquement analysé le match entre Tottenham et Everton lors de la saison 2016/2017 de Premiere League.

Si l’on se penche sur les matchs de la session antérieure entre les deux clubs, le modèle de Ben avait prédit que Tottenham allait marquer 1,623 but. Il s’agit évidemment d’une absurdité ; les équipes ne marquent pas des fractions de but. Du point de vue statistique, toutefois, cela nous indique que Tottenham pourrait marquer 1,623 but en moyenne s’ils jouent de nombreuses fois à domicile contre une équipe aux performances égales à celles d’Everton.

À partir de cette moyenne attendue, la loi de Poisson nous permet de calculer les probabilités que Tottenham marque 0, 1, 2, 3 ou davantage de buts. De cette façon, Ben a calculé que le nombre de buts attendus d’Everton était de 0,824. Les probabilités des scores calculées sont indiquées dans le tableau ci-dessous.

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Nous pouvons convertir ces probabilités en « vraies » cotes de paris décimales par inversion. Par exemple, une probabilité de résultat de 25 % (soit 0,25) aurait une cote réelle de 4,00. Les « vraies » cotes correspondantes pour les 49 scores corrects possibles sont présentées ci-dessous.

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Comparaison des cotes de pari modélisées et réelles

Comment ces « vraies » cotes de scores corrects se comparent-elles aux cotes réellement publiées pour ce match ? Les prix moyens du marché, tels qu’archivés par le site Web de comparaison des cotes Oddsportal.com, sont indiqués ci-dessous.

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La marge théorique de ce pari est de 40 %. Une comparaison rapide de ce tableau avec les « vraies » cotes ci-dessus révèle que les cotes réelles commencent à dévier significativement des « vraies » cotes à mesure que la probabilité du score diminue. À l’évidence, de même que pour les cotes de matchs, le bookmaker n’applique pas sa marge de manière égale sur tous les résultats. Moins le résultat est probable, plus sa marge est importante.

Voici à présent les meilleures cotes du marché. La marge théorique des meilleurs prix proposés était de 14 %.

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Le favourite-longshot bias dans les paris sur le score correct

La manière la plus simple d’estimer la marge appliquée par le bookmaker pour chaque score est de diviser les cotes réelles par les « vraies » cotes modélisées.

Par exemple, le score 0-0 présentait un prix de pari moyen de 11,23. Si l’on divise cette valeur par le prix modélisé pour le même score (11,55), on obtient un pourcentage de 97,2 %. Cela équivaut au retour sur investissement auquel un parieur peut s’attendre. Pour chaque centaine de dollars misée, il s’attendrait à gagner 97,20 $ ou à perdre 2,80 $, s’il répétait de nombreuses fois ce type de pari.

En appliquant ce simple calcul à tous les scores, j’ai représenté les résultats dans la carte thermique ci-dessous. Plus le rouge est foncé, plus le retour sur investissement est faible, ce qui implique une plus grande marge appliquée à ce score par le bookmaker. Lorsque le retour sur investissement est supérieur à 100 %, cela est indiqué en vert.

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À l’exception de quelques scores, tous les résultats font, sans surprise, l’objet d’une attente négative. Après tout, le bookmaker n’est pas à la tête d’une œuvre de charité. Néanmoins, les retours sur investissement attendus des scores les plus élevés sont vraiment maigres. Le match nul 3-3, par exemple, présente une perte attendue de 2/3. Toute personne assez naïve pour parier régulièrement sur des matchs nuls 5-5 pourrait s’attendre à perdre presque 99 % des sommes misées.

Même s’il existe quelque scores attendus rentables en pariant sur les meilleurs prix du marché (voir ci-dessous), la situation d’ensemble reste la même : les scores élevés présentent de très mauvaises cotes.

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Qui plus est, ne supposez pas que les cotes pour une victoire de l’équipe d’Everton aux faibles scores possédaient nécessairement une valeur attendue positive. Les résultats figurant dans ces cartes thermiques dépendent naturellement de la précision du modèle de prédiction des buts sous-jacent basé sur la loi de Poisson qui permet le calcul des « vraies » cotes. Comme mentionné précédemment, le modèle basé sur la loi de Poisson présente des limitations et un nombre non négligeable de détracteurs. Peut-être plus important encore, nous ne pouvons établir la « véracité » des chiffres de Ben pour les buts attendus de Tottenham et d’Everton (Si nous les connaissions exactement, il serait facile de parier.). Les valeurs utilisées pour les buts attendus constituent potentiellement une source d’erreur importante.

Par exemple, l’usage de valeurs de 1,93 et 0,88 but pour Tottenham et Everton respectivement (des valeurs nettement plus proches de celles sous-entendues par les marchés de paris pour ce match) aurait assuré qu’aucune cote de score correct n’offre une valeur attendue positive, même aux meilleurs prix du marché.

L’influence des erreurs dans le cas des scores à faible probabilité

Supposons maintenant que nous pensions que les buts attendus de Tottenham étaient beaucoup plus élevés. Lors des 10 matchs précédents à domicile, ils avaient remporté 9 d’entre eux et marqué 27 buts. De la même façon, Everton avait relativement bien marqué à l’extérieur, avec 10 buts dans leurs 10 matchs précédents, même s’ils avaient seulement gagné deux fois. En utilisant les chiffres de 2,7 buts attendus pour l’équipe à domicile et 1,0 but pour celle à l’extérieur, nous aurions pu être tentés de parier sur une victoire de l’équipe à domicile à 3-2. Nous aurions ainsi obtenu un bon retour sur investissement avec des cotes de 27 contre 1 lorsque la partie se serait achevée avec ce score.

Avec ces données issues du modèle, le retour sur investissement attendu de ce résultat était de 113,5 %, par rapport aux 71,1 % indiqués ci-dessus, une hausse proportionnelle de plus de la moitié. C’est précisément pour cette raison que les bookmarkers appliquent des marges si importantes aux scores les moins probables. Plus la probabilité du résultat est faible, plus grand sera l’impact d’une possible erreur dans le modèle de prédiction des scores.

Comme tout le monde, les bookmakers doivent recourir à des modèles pour prédire les scores, c’est pourquoi il leur faut se prémunir contre les éventuelles erreurs. Supposons un score de 6-1 : le modèle original de Ben prédisait qu’il présenterait un retour sur investissement attendu de 31,7 %, mais avec ces nouvelles données, il est de 232,8 %, soit plus de 7 fois plus grand. Pour un match nul 6-6, le rapport du changement est de 19.

Ne vous laissez pas trompé par la loi des petits nombres

En février 2017, j’ai écrit au sujet de la loi des petits nombres, selon laquelle les parieurs se méprennent sur le fait que la profitabilité à court terme soit indicatrice de compétences prédictives. Pour ceux qui aiment parier sur les cotes de scores corrects, cela peut être particulièrement dangereux. Prenons l’exemple d’une personne qui parie un grand nombre de scores corrects 3-2 à 27 contre 1, comme pour Tottenham contre Everton. Un gain précoce peut facilement donner l’impression d’avoir trouvé une erreur dans les prix du bookmaker et d’avoir obtenu une valeur attendue positive.

Il est évidemment possible que cela soit vrai, mais les faitssuggèrent qu’il est bien plus probable que cette personne ait simplement eu de la chance. Nous préférons trouver un lien de causalité dans les événements plutôt que de les attribuer à la chance. Les parieurs qui réalisent un profit se méprennent aisément en pensant qu’ils y sont pour quelque chose. De plus, étant donné la probabilité plutôt raisonnable de réaliser un profit au cours des 27 premières mises à 27 contre 1, comme l’illustre le tableau ci-dessous, le monde des paris sur le score correct comptera toujours des individus qui se targueront de posséder ces compétences prédictives.

Le biais du survivants assurera ensuite que le reste d’entre nous perçoivent une probabilité accrue de la prévalence de telles compétences. L’histoire est généralement écrite par les vainqueurs. Ceux des parieurs qui font des profits ont tendance à évoquer davantage leurs victoires, tandis que les autres taisent plus volontiers leurs pertes.

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Néanmoins, les prévisions à plus long terme donnent à voir une image plus complète. Après chaque ensemble de 28 paris, la probabilité de continuer à faire des profits s’effondre en raison du fait qu’une victoire en vaut 27. Cette tendance qu’a la profitabilité attendue à diminuer rapidement vers zéro est évidemment peu surprenante, en présence d’un retour sur investissement attendu de seulement 58,6 % par pari (en supposant, bien sûr, que le modèle de Ben est correct).

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Pari sur le score correct : résumé

Nombre de parieurs sont attirés par les possibilités de gros gains associées au pari sur le score correct et peuvent aisément se laisser bernés par le succès. Toutefois, ceux qui sont intéressés par les cotes très élevés proposées doivent reconnaître qu’ils auront non seulement une chance bien plus faible de gagner, mais aussi que les bookmakers manipulent les cotes d’une façon telle qu’ils auront peut-être à faire face à un désavantage attendu beaucoup plus conséquent.

Il est vrai qu’il y a plus de chance que les bookmakers fassent de plus grandes erreurs, mais c’est l’une des raisons pour lesquelles ils rendent si inéquitables les cotes de score correct les plus élevées.